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Photo du rédacteurAnaïs Vanel

De la vie nomade au besoin d'enracinement

Ces dernières années, je me suis déplacée d’un endroit à un autre pour ne pas avoir à respirer l’air rassis des placards que l’on ouvre lorsque l’on réexplore le passé.


Chaque fois que je quitte un paysage que je connais sans le reconnaître, je me demande ce qui rend un lieu familier : les visages, les habitudes, ou peut-être une certaine façon de l’habiter.


J’ai longtemps pensé qu’il fallait franchir des frontières pour mieux repousser les siennes. Qu’en devenant nomade, on devenait sa propre maison et que cela nous reconnectait à des vérités essentielles : personne n’aime le renfermé.


Je suis devenue nomade pour me déplacer de mes habitudes, de mes pensées, pour ne pas les fixer. Quand je suis au volant, et que je roule sans planifier, cela crée une ouverture, un élargissement de la conscience, un mouvement intérieur qui prend vie à mesure qu’autour de moi, les paysages se transforment. On ne perçoit jamais autant l’immensité des possibilités, les évidences et les vérités que dans ces moments sur la route, quand la lumière change.


Je suis devenue nomade comme ces plantes saxicoles observées en Cantabrie, sur la plage de Pechón à marée basse, qui s’accrochent aux minéraux grâce à des filaments. J’ai été surprise par la force de l’adaptabilité de ces petites fleurs qui peuvent se frayer un chemin sur les rochers, et qui se dressent là, fières, malgré l’absence de terre, dans cet environnement salé.




J’ai vécu dans des maisons protégées du bruit, du vent et du soleil, là où les voitures laissent place aux vélos, là où les arbres s’élèvent plus haut, où la nature commence, là où se multiplient les bavardages des oiseaux.


J’ai partagé des petits détails du quotidien, ceux dont on se méfie, comme avec sa propre famille, mais avec des inconnus que l’on aurait tout de même choisis. J’ai appris à entendre vivre les gens, discrètement, à reconnaître les pas vers la cuisine, à apprécier le bruit du café couler, les rires étouffés. Au fil des jours, on se retrouve uni avec certaines personnes par des liens subtils, délicats et invisibles que l’on remarque seulement en se prenant les pieds dedans. Au fil des jours, le soleil les éclaire, comme les toiles d’araignées.


J’ai vécu dans une grande maison, en huis clos, dans laquelle j’ai appris qu’en sanskrit, shanti répété trois fois est une invocation à la paix, que dérouler son tapis dans la fraîcheur du jour qui commence est la meilleure façon de se préparer pour une nouvelle journée : réveiller son corps, en même temps que le soleil. Surtout, j’ai appris qu’on ne connait jamais vraiment quelqu’un avant d’avoir partagé un thé silencieux, au petit matin.


J’ai occupé des chambres dans des maisons meublées, avec des meubles blancs, des plantes figées, de la vaisselle faussement dépareillée. Des maisons qui se veulent faites pour tout le monde, des maisons de transition qui ne sont en réalité faites pour personne. Ce sont des lieux dans lesquels on ne peut jamais s’installer, des endroits vides qui nous mettent face au nôtres, des lieux qui font crier les rêves inavoués.


Au fond, j’ai toujours ressenti ce besoin irrépressible de toucher terre, d’être à son contact. J’ai toujours préféré les racines aux filaments.


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